Chronikin

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Charles Bisengimana

 

Charles Bisengimana vu par Alex Engwete

 

(http://alexengwete.afrikblog.com/archives/2010/06/08/18181867.html)

 

 

 

 

L’une des conséquences de l’assassinat de Floribert « Flori » Chebeya, c’est la suspension du patron de la police congolaise, John Numbi, et la promotion de son adjoint, le Général Charles Bisengimana. Bisengimana est un Tutsi qui fit partie de l’AFDL de Mzee Laurent Kabila. Lors de la rupture entre le Mzee et ses alliés rwandais, Bisengimana joignit le RCD. Il fut promu général en 2003 au début de la Transition.

Je ne m’attarderai pas ici sur la question de la surreprésentation des membresde l’ethnie Tutsi dans les hautes sphères de commandement de l’armée et de la police par rapport à d’autres ethnies du pays ; question qui est régulièrement soulevée non seulement par l’opposition radicale « rejectionniste » de la diaspora congolaise mais également par la presse du pays.

Je suis plutôt concerné par la promotion du Général Charles Bisengimana en tant qu’individu à un poste où l’occupant est censé protéger des civils. Dans un pays idéal, civilisé et dont les « résidents de la république » sont  informés de leur histoire et font un travail permanent de la mémoire, cette nomination aurait soulevé des cris d’orfraie, des manifs monstres et des appels universels pour l’annuler. Et pour cause…

L’organisme canadien Droits et Démocratie (le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique) avait publié en janvier 1999 le rapport titré « Commission internationale non-gouvernementale sur les violations massives des droits humains en République Démocratique du Congo (ex-Zaïre) 1996-1997 » (la version anglaise du même rapport parut en juin de la même année).

En un mot, le rapport est exhaustif et prend en compte tous les protagonistes impliqués dans la guerre qui ravagea la RDC (particulièrement l’est du pays) dans la foulée du Génocide rwandais. Il est différent de l’enquête de l’ONU de la même époque qui fut bloquée par le Rwanda et son satellite d'alors, le régime du Mzee Kabila d’avant la scission avec Kagame. Le Rwanda et le régime du Mzee voulaient que l’enquête remontât jusqu’à l’année 1993 afin de tenir compte aussi des crimes de Mobutu et du régime d’Habyarimana !

Ce subterfuge de voyous, croyaient les alliés cyniques, allait diluer les horreurs des cruautés perpétrées en une si courte période en RDC sur des réfugiés Hutu rwandais et des Hutu congolais et ethnies y associées.

Non contents de faire prévaloir cette demande, les deux leaders mirent des bâtons dans les roues des enquêteurs de l’ONU au point que l’enquête fit long feu—jusqu’aujourd’hui. Dans le même temps, l’organisme canadien se focalisa sur cette période pour produire le rapport qui est l’objet de ce billet.

Avant toute chose, il est important de considérer ce qui constituait le but principal de l’enquête de l’organisme canadien, à une époque où la Cour Pénale Internationale (CPI) n’était pas encore créée ; CPI à laquelle la RDC est cosignataire, quoiqu’elle laisse aujourd’hui courir dans la nature des criminels de guerre de tous poils :

« Notre motivation principale est la lutte contre l'impunité qui s'érige déjà en culture dans cette région et qui risque de compromettre à long terme tout effort de construction et de maintien de la paix internationale dans la région. Si des crimes imprescriptibles relevant du droit pénal international ont été commis au Congo, la vérité se doit d'être connue et présentée de façon impartiale. Par la suite il faudra dans le cadre d'une campagne internationale susciter la volonté politique pour exiger que les présumés responsables de ces crimes soient poursuivis à terme par la justice nationale et internationale et éventuellement par la Cour pénale internationale en cours de discussion. Et en attendant cette justice, il faudrait que ces présumés responsables soient moralement mis au ban de la communauté internationale et/ou de leur propre communauté nationale. »

Eh bien, comme le rapport le démontre (voir ci-dessous), le Général Charles Bisengimana fait partie de ces « présumés responsables » à mettre moralement« au ban » des communautés internationale et congolaise. Pourtant, on est aujourd’hui dans la situation surréelle où un criminel de guerre et un massacreur des civils a la charge de la protection des civils de tout un pays ! Le rapport note également que ces crimes, puisqu’ils sont des crimes contre l’humanité, sont de ce fait des « crimes imprescriptibles ».

19 crimes effroyables sont identifiés par la commission d’enquête canadienne ; et le Général Charles Bisengimana avait personnellement commis plusieurs de ces crimes : « 1) meurtres, assassinats, tueries, noyades ; 2) incendies de villages et de récoltes, destructions matérielles ; 3) torture et traitements inhumains, mutilations ; 4) viols ; 5) disparitions ; 6) pillages systématiques ; 7) obstructions à l'aide humanitaire ; 8) incitation à la haine ; 9) vol de bétail et de biens ; 10) prise d'otages ; 11) enlèvement d'enfants et de malades ; 12) recrutements d'enfants mineurs ; 13) non-assistance à peuple en danger ; 14) arrestations et détentions arbitraires ; 15) condamnation et exécutions sans recours à un tribunal légalement constitué ; 16) crime d'agression ; 17) expulsion forcée des Tutsi (Masisi, Kinshasa, Katanga, Kisangani) ; 18) rapatriement forcé des réfugiés ; 19) persécution pour des motifs raciaux, ethniques ou politiques. »

L’enquête identifie également des « Auteurs Matériels des Massacres », c’est-à-dire, des « personnes qui auraient réellement commandé des opérations ou auraient été identifiés par des témoins oculaires dans les lieux où des massacres auraient été perpétrés ».

Le rapport précise :

« la Commission non-gouvernementale a procédé par une enquête sur le terrain en janvier et février 1998 pour vérifier certains témoignages déjà rapportés dans les rapports d'organisations non-gouvernementales […] et recueillir des informations sur l'identité des auteurs soupçonnés des massacres. Elle s'est efforcée dans la mesure du possible, sur la base de descriptions physiques des témoins oculaires interrogés, à déterminer qui étaient les commandants militaires sur le terrain au moment des massacres et quels civils jouaient un rôle particulier ».

Et d’ajouter en caractères gras :

« C'est fort de ces informations que la Commission non-gouvernementale a décidé de rendre public les noms de ces personnes qui pour le moment devraient être considérées uniquement comme des suspects de première qualité, pour lesquels elle recommande qu'une enquête judiciaire puisse être menée en vue d'établir ou non la culpabilité pour les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les actes de génocide dont ce rapport a rendu compte ».

Que l’on note bien ici que le rapport recommande qu’une « enquête judiciaire »criminelle pour « crimes de guerre »« crimes contre l’humanité » ou « actes de génocides » soit ouverte à charge du « suspect de première qualité » qui vient d’être promu patron de la Police Nationale Congolaise, le Général Charles Bisengimana.

La Commission identifie 7 sites des massacres dans le seul Nord-Kivu, où le Général Charles Bisengimana est placé sur le site des massacres numéro 7, à savoir, dans la localité de Mugunga.

La Commission affirme :

« Les massacres du Nord Kivu auraient été perpétrés dans un environnement caractérisé déjà au départ par des tensions ethniques entre les populations autochtones et celles d'expression rwandaise d'une part et d'autre part par le transfert du conflit Hutu-Tutsi en raison de l'afflux des réfugiés et du nettoyage ethnique mené par les Hutu réfugiés contre les Tutsi en 1995-1996 d'autre part. C'est dans le nord Kivu qu'auraient eu lieu les massacres les plus importants des réfugiés et où aussi on aurait trouvé le nombre important des fosses communes et des charniers. Ici les massacres se sont accompagnés des incendies des villages et de propriétés des Hutu et dans une moindre mesure des Zaïrois ».

Voici comment la Commission synthétise l’implication directe du Général Charles Bisengima dans les massacres opérés sur le site 7 de Mugunga :

« 7.     Mugunga

Les personnes suivantes auraient assuré le commandement des unités au moment des événements [massacres]. Il s'agit de: Shabugabo Ngendayo, Habineza Dieudonné (Commandant à Ursayo), Hanyurwinfura Tonton-mao (lieutenant 24 BGED), Innocent Kamanzi, Gumiriza Ribanze, Charles Bisengimana (aujourd'hui commandant inspecteur principal de la police à Goma), Rwabuzisoni Ngirumwami, Maryongo Musimuzi, Kitchuku Ngendayo, Janjanringwe Janvier, Karisa (commandant), Macho (commandant).

Deux civils auraient servi de facilitateurs qui ont participé à toutes les opérations: il s'agirait de Sengiyumva-Ngendayo et Bizimana Mutarambirwa.

Au demeurant dans le nord Kivu […], en raison du nombre très élevé des réfugiés Hutu, les troupes de l'AFDL auraient ciblé indistinctement les populations locales dans le but d'éliminer les miliciens Hutu Rwandais et Zaïrois bien solides dans cette région. Cette campagne systématique a conduit à une élimination des Hutu, attestée par l'existence de nombreuses fosses communes ».

Les « facilitateurs » civils étaient les complices des massacreurs dont la tâche était de localiser et d’embobiner les victimes pour les emmener sur les lieux des massacres ou pour leur amener ces massacreurs.

Une question devrait donc se poser avec urgence aux autorités congolaises et au Raïs en particulier : faut-il remplacer, à la tête de la police nationale, des meurtriers présumés par des criminels de guerre?

A tout prendre, chaque jour, que dis-je, chaque minute, chaque seconde que le sanguinaire qui a nom Charles Bisengimana passe comme patron de la Police Nationale Congolaise signifie le règne de l’impunité effrénée et constitue une moquerie du slogan « Tolérance Zéro » !



04/12/2011
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