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Présentation de Kimpa Vita la Fille de Ne Kongo

Présentation de Kimpa Vita la Fille de Ne Kongo


Mardi 16 avril 2013

Présentation du Livre Kimpa Vita au Centre Wallonie Bruxelles

Kinshasa mardi 16 avril 2013

 

Madame la déléguée de Wallonie-Bruxelles

Distingués invités

Mesdames, Messieurs

Je voudrais avant toute chose vous remercier du fond du cœur d’avoir disposé de votre temps pour assister à la présentation de ce livre consacré à Kimpa Vita.

Je voudrais particulièrement remercier la délégation Wallonie-Bruxelles de nous avoir amplement facilité l’organisation matérielle de cette cérémonie de présentation et de baptême de l’ouvrage.

Présenter un livre est un exercice singulier à la fois passionnant et difficile:

Comment parler du livre, susciter l’intérêt du lecteur sans pour autant dévoiler tout le contenu, question de laisser un minimum de suspens pour que le lecteur ressente la nécessité de chercher et de lire le livre par lui-même, C’est à un exercice d’équilibriste que je vais me livrer: raconter le livre sans tout le raconter, assez pour qu’après vous puissiez avoir envie de le lire et de le faire lire.Mon propos va s’articuler autour des points ci-après:

-   Comment j’ai écrit ce livre

-   Et la situation du Kongo à l’époque de Kimpa Vita

-   Je terminerai par une conclusion

Je voudrais vous raconter le cheminement qui a été le mien dans l’écriture de ce livre, une petite aventure en soi…Fils d’enseignants, je suis né à Kinshasa en 1974, C’est dans cette ville que j’ai fait mes études primaires et secondaires, dans une école qui avait plutôt une bonne réputation.

Je suis médecin de formation, je suis psychiatre et je travaille actuellement au CNPP,

J’ai déjà publié quelques livres dont un roman et une pièce de théâtre.J’ai participé à la rédaction du premier manuel pour la prise en charge des AVC en RD Congo, manuel édité par le département de médecine interne des Cliniques Universitaires de Kinshasa. Ce livre est destiné aux médecins pour les aider au quotidien dans la prise en charge de cette maladie qui prend de l’ampleur au sein de la communauté.

C’est très tôt que j’ai pris plus ou moins conscience de la situation de l’Afrique à travers l’Histoire de Nelson Mandela, en lisant la revue Jeune Afrique au milieu des années 80. Nous étions dans une pauvreté manifeste, endettés alors que les autres affichaient une insolente richesse. Je me souviens avoir un jour demandé à un de mes professeurs de m’expliquer pourquoi la colonisation s’était faite dans le sens que l’on connait et pas dans le sens inverse. Ces questions existentielles me taraudaient l’esprit continuellement; moi qui aimais la lecture depuis mon plus jeune âge, je m’y suis accroché convaincu de trouver dans les livres les réponses aux questions que je me posais. J’étais plutôt un élève appliqué. Je me suis peu à peu passionné pour l’Histoire, une matière dans laquelle j’avais de bonnes notes. J’avais au fil des années remarqué que la place occupée dans le cours par notre Histoire était très faible.  Le programme faisait la part belle à l’histoire dite universelle, à l’Histoire des autres, celle de la communauté internationale mais ne disait pas grand-chose de l’Afrique, de notre pays, Quand on en parlait c’était comme si notre histoire ne débutait que le jour où l’Européen est arrivé en Afrique. La grande conséquence de cet état de fait est que l’on obtenait son diplôme d’état sans quasiment rien connaitre de Kimpa Vita ou de Simon Kimbangu; de Lumumba ou de Panda Farnana pour ne citer que ces personnages de notre Histoire récente…

Les livres étaient difficiles à trouver à Kinshasa. Les quelques bibliothèques publiques (rarissimes) étaient situés à la Gombe, le quartier administratif. Ma famille habitait Binza UPN. Y aller pour le jeune adolescent que j’étais était difficile. Par contre, dans les maisons religieuses disséminées à travers la ville, il y avait des bibliothèques. Aussi bien ceux de ma paroisse et ceux de mon école que je fréquentais, j’ai trouvé le graal: le livre. Je les empruntais et je les dévorais le week-end, j’élargissais ma culture et petit à petit je suis arrivé à la conclusion que la connaissance de l’Histoire, de notre Histoire était la condition sine qua none à la sortie de l’impasse dans laquelle on baigne depuis des siècles. Après mes études secondaires, je suis allé à Kisantu, à la Faculté de Médecine de l’Université Kongo. A dire vrai, je m’ennuyais un tout petit peu, les livres m’ont permis de tenir le coup.

Fin 1996, Ndaywel e Nziem publie son Histoire générale du Congo. Ouvrage de près de 900 pages qu’un religieux m’a prêté pendant plusieurs semaines. J’ai lu et recopié certains passages. Dans ce livre je redécouvre des personnages de l’Histoire du Congo dont Kimpa Vita qui littéralement va me fasciner.  Et tout de suite je me révolte contre la formation que j’avais reçue à l’école qui ne m’a pas apporté l’essentiel. Je me suis dit qu’il fallait raconter cette histoire au plus grand nombre.

Je me suis alors rendu compte que les « Initiés », étaient au courant alors que le peuple était mis à l’écart de la connaissance.

Pour le mois, le roman s’est imposé comme le genre qui convenait me mieux à mon entreprise, à mon ambition. Il existait des travaux sur kimpa Vita produits par de grands esprits. Ces travaux étaient par leur caractère universitaire, austères à souhait, très peu diffusés, n’étaient pas connus du public.

J’ai commencé à accumuler de la documentation sur le sujet comme je le pouvais à Kisantu et à Kinshasa. J’ai cherché partout…J’ai été voir le Pr Abbé Ngimbi Nseka alors recteur du Grand séminaire de Mayidi car il  avait publié un article sur Kimpa Vita dans un numéro de la revue Renaître. Je lui ai fait part de mon projet. Je ne sais pas s’il y avait cru mais en tout cas il m’a remis de la documentation: la thèse de Phoba Mvika, Bergson et la théologie morale et les actes d’un colloque organisé à Mayidi, résistances et messianisme. C’est avec plaisir que je me suis plongé dans la lecture de ces ouvrages et de quelques autres. J’ai appris sur le sujet, J’ai beaucoup appris. J’étais presque prêt…Mais il me manquait quelque chose, Si la matière historique était là, il en fallait pour un roman, mais cela ne suffisait pas. Dans un roman, il faut savoir raconter les faits mais aussi pouvoir rendre le contexte, les atmosphères, les odeurs, les couleurs, les allures, etc…le genre de choses que l’on ne trouve pas dans un essai ou une thèse…

Je me suis mis en quête d’un ouvrage qui aurait pu m’apporter cela, qui décrirait le quotidien des Bakongo à l’époque.  Pendant plusieurs semaines, j’étais resté sur la ligne de départ. Je savais ce que je voulais écrire, j’avais un plan précis mais je ne pouvais commencer sans la clé que devait m’apporter une connaissance profonde de l’ambiance de l’époque.

Un jour, alors que je passais quelques jours en famille, j’ai trouvé chez un marchand des livres d’occasion, à l’arrêt de bus à l’UPN, un livre intitulé le diaire congolais, écrit par un missionnaire de l’époque, Luca da Caltanisetta et traduit par François Bontinck, Je l’ai feuilleté et j’ai vu tout de suite qu’il contenait tout ce dont j’avais besoin pour commencer l’écriture du roman. Je l’ai acheté et ai commencé à le dévorer le jour même. A la fin de la lecture, je pus ainsi commencer à écrire mon livre.

Cela m’a pris une année et demi environ. J’étais étudiant en fac de médecine et pour l’écrire j’ai dû quelquefois sécher mes cours. Ce fut un travail de longue haleine certes, mais très gratifiant…

Pendant des jours, j’ai lu et écrit dans un cahier: je n’avais pas d’ordinateur à l’époque, j’étais étudiant à Kisantu, donc pas très riche. Pendant mes vacances à Kinshasa, je squattais les bureaux d’un ami et je tapais mon manuscrit, la nuit alors que tout le monde dormait. Voilà comment est né ce livre, du désir de partager de partager des connaissances que j’estimais vitales!

Pour comprendre le contexte dans lequel émerge Kimpa Vita, il sied de rappeler certains traits particuliers de la civilisation africaine,

Chez les Africains depuis l’Egypte antique comme chez les Bakongo, il est admis que le Roi est le détenteur de la force vitale, De ce fait la mort du Roi revêt un caractère particulier, il existe un rituel précis autour de celle-ci de pur d’entraîner des conséquences néfastes pour toute la communauté, Chez les Bakongo le Roi se laissait pas mourir mais disparaissait par un processus actif, avec le Rituel de « Luka Nsi » ou « crache le pays »: le Roi était égorgé le moment venu afin qu’il n’emportât avec lui la force vitale!

Le 29 octobre 1665, le Roi du Kongo Antonio 1er est tué à la bataille d’Ambwila. Cette défaite change le cours de l’Histoire du Royaume. La mort d’un Roi en pleine bataille en Afrique noire revêt un caractère symbolique majeur. Pour la communauté la mort du Roi entraîne forcement des conséquences néfastes pour la vie de la nation. C’est ce qui va se passer pour les Kongo.

Le Royaume entre alors dans un cycle de violence et de division,

C’est autour des trois régions de Bula, Kimbangu et Mbanza Kongo qua va se jouer l’action de Kimpa Vita. Don Joao régnait à Bula alors Don Pedro IV régnait au Kimbangu Ils refusaient de se rendre à Mbanza Kongo devenu trop insécure à leur goût,

Dans le livre je raconte avec force détail  cette triste période de l’Histoire du Royaume.

C’est dans ce contexte que Kimpa Vita émergea pour demander aux Bakongo de revenir aux fondamentaux c’est à dire: l’unité et la souveraineté du Royaume, C’est elle qui mit le doigt sur le rôle perfide joué par les Portugais, commerçants, trafiquants ou  prêtres défroqués qui s’adonnaient aux razzias

Elle fit prendre conscience aux uns et aux autres de l’état pitoyable dans lequel ils se trouvaient tant sur le plan sociopolitique que sur  le plan spirituel.

La Salve Regina version kimpavitienne est plus qu’éloquente à ce propos:

Vous dites « salve » et vous ne savez pas le pourquoi.

Vous récitez « salve » et vous ne connaissez pas le pourquoi.

Dieu veut l’intention.

L’intention Dieu la prend.

Le mariage ne sert à rien.

Dieu prend l’intention.

Le baptême ne sert à rien.

Dieu prend l’intention.

Les prières ne servent à rien.

Dieu veut l’intention.

Les bonnes œuvres ne servent à rien

Dieu veut l’intention.

Pour moi il s’agit d’un véritable hymne à la liberté.

A la fin de la rédaction du livre, s’est posé la question de sa diffusion via un éditeur. Mais lorsqu’on est à Kisantu, au début du 21e siècle, trouver un éditeur peut ressembler à une gageure. J’ai cherché, j’ai frappé à toutes les portes sans succès. Lorsqu’en 2008, le Pr Mampunza obtient pour moi une bourse pour parachever ma spécialisation en Belgique, j’ai alors l’occasion d’entrer en contact via un ami commun avec un éditeur africain installé à Paris Kassi Assemiam, PDG des Editions Anibwe qui a dit ce qui suit à propos de ce livre : « C’est un roman historique qui est même plus près de l’Histoire que du roman en ce sens que son imaginaire a assemblé des faits réels. C’est ça qui fait l’intérêt du livre. Du coup, le livre a un spectre de lecteurs qui est plus large. Beaucoup de gens n’aiment pas se coltiner les essais. Beaucoup de gens n’aiment pas les romans non plus. Le livre se situe à mi-chemin entre les deux genres. C’est une mine d’or. On a le style romancé mais aussi on a les informations historiques. »

Avant de terminer je voudrais raconter une anecdote qui illustre combien l’héritage de Kimpa Vita est vivant, encore aujourd’hui : j’ai séjourné à Port-au-Prince, en Haïti l’année passée. Il y a régulièrement dans la capitale du pays une foire du livre appelée Livre en Folie, manifestation qui attire aussi bien l’intelligentsia locale et, ce qui m’a fait plaisir, le peuple et surtout les jeunes quoique le taux d’alphabétisation l’un des plus bas du monde.

Je m’y étais rendu et j’y ai rencontré un maitre-vodou qui présentait son livre, AIBOBO. Je l’ai acheté et naturellement j’ai demandé une dédicace. En l’ouvrant, j’ai vu qu’il était dédié à plusieurs personnage de l’Histoire des Noirs dont Kimpa Vita. Je ne vous dis quelle a été ma joie de rencontrer à des milliers de kilomètres de chez moi un homme qui cultivait la mémoire de la grande prêtresse.

Plus globalement il y a lieu de mentionner que les révoltes d’esclaves en Amérique ont souvent été guidées par la dynamique kimpavitienne aussi bien à Haïti, au Brésil qu’aux USA. Lorsqu’à Stono, sous la houlette de Jimmy les esclaves chantaient « Kanga Mundele, Kanga Ndombi », les Initiés comprenaient bien de quoi il s’agissait….

Pour terminer, je vais citer Kimpa Vita, une grande mystique

" Que m'importe de mourir maintenant? Ce pas, maintenant ou jamais, j'ai à le franchir dans ma vie.

Ma personne physique n'est autre chose qu'un peu de motte de terre. Je n'en accorde aucune importance.

Un jour ou l'autre ce corps se réduira en poussière, en cendre. Cependant mon esprit, mon âme exalteront la gloire du Très haut Nzambi 'a Mpungu Tulendo. Nul ici-bas ne peut en disposer.

Et Dieu pourvoira un autre plus puissant qui arrivera à bout de l'envahisseur. »  (KIMPA VITA)

 

Je vous remercie de votre attention.

 

 

Magloire Mpembi Nkosi

Kinshasa le 16 avril 2013

Centre Wallonie Bruxelles

 

 



16/04/2013
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