Chronikin

OPERATION SALOMON

Dans ce contexte de marasme et de misère, le Kinois fait preuve de créativité et d'inventivité en même temps d'un grand sens de l'autodérision qui lui permet bien souvent d'échapper à la déprime. Chaque foi que faire se peu, je m'efforce ici de raconter au second degré cette vie du kinois moyen que je suis, celle du kinois vrai, loin de l'opulence dont font preuve ceux qui récemment se sont installés à Kinshasa mais au sommet.

Le visiteur qui parcourrait la ville aujourd'hui serait agréablement surpris par le nombre de belles maisons qui fleurissent à travers la capitale. Il se dirait sans doute qu'il est dans une ville décidée à aller de l'avant, respectant le mot d'ordre de son président : Cinq chantiers pour le Congo. Tout étant chantier actuellement, la moindre construction est versée dans le panier des réalisations de JKK. Mutombo Dikembe en sait quelque chose.

Ces bâtisses qui poussent sont pourtant la traduction d'une ville qui vit à deux vitesses. Celle des gens d'en haut et celle des gens d'en bas, celle des ministres et celle des sinistrés, celle des députés et celle des dépités. C'est Kin qui chante face à Kin qui pleure. Dans les quartiers bourgeois, les maisons sont grandes alors que les enfants sont en Afrique du sud, en Europe ou aux Etats-unis. Dans la cité du peuple, les maisons sont petites alors que les familles sont nombreuses. Les jeunes adolescents n'ont pas de chambres. On se demande souvent comment Papa, Maman et leurs cinq enfants se repartissent les deux pièces. La solution s'appelle « Salomon » du nom du très sage roi de la Bible. «  Salomon » à Kinshasa désigne le jeune homme qui dort au Salon par manque de chambre. Il traîne dans la rue, au coin en attendant que tout le monde dorme. Il est obligé de se réveiller avant tout le monde. Il dort sur une natte en fibre végétale.  Salomon ainsi n'apprend pas à s'occuper de son lit. Il n'en a pas. C'est la sagesse du pauvre, celle des Kinois qui ne cherchent plus à changer leurs condition et s'y habituent et s'en moquent en se moquant d'eux-mêmes. Ils s'appellent « Salomon » parce qu'ils dorment au Salon.

Magloire MPEMBI NKOSI;