Chronikin

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MPEMBI NKOSI, KIMPA VITA, La Fille de Ne Kongo. (Sankofa). Paris, Anibwé, 2012. Vol. de 15 x 21, 288 p. : lu par l’abbé NGIMBI NSEKA devant les Amis de la Culture du Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa.

MPEMBI NKOSI, KIMPA VITA, La Fille de Ne Kongo. (Sankofa).

Paris, Anibwé, 2012. Vol. de 15 x 21, 288 p. : lu par l’abbé NGIMBI NSEKA devant les Amis de la Culture du Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa.

 

 

C’est le 24 mars 2013, Dimanche des rameaux, que Dr Magloire MPEMBI NKOSI, de passage à Kisantu, m’a présenté son livre Kimpa Vita, La fille Ne Kongo, me priant de le lire ou de le baptiser devant les amis de la Culture du Centre Wallonie-Bruxelles. C’est son insistance qui a fini par avoir raison sur ma répugnance à aller de Kisantu à Kinshasa pour un service qu’un autre que moi pourrait rendre. Monsieur Mpembi ne semblait pas avoir d’alternative. J’ai donc choisi de lire le livre, laissant à un autre ami la mission de le baptiser. L’auteur présente son œuvre comme un roman. Je laisse aux critiques littéraires le soin d’apprécier ce genre littéraire qu’on dit anti-genre ou à lui-même, l’auteur de s’expliquer sur le choix de genre. Quant à moi, bien que d’instinct je répugne à lire les romans, à cause de son statut fondamentalement, conventionnel, voire fictif (On l’a en effet défini comme art de la fiction), j’ai fini par compter avec la polymorphie de ce genre que mêmes les philosophes ont utilisé pour mieux exprimer leurs pensées philosophiques (Voltaire, Candide ; Sartre, La nausée, etc). Je peux lire donc ce roman que nous présente Monsieur Mpembi, d’autant plus que nous avons affaire à un roman historique dont les personnages sont bien connus de tous ceux qui se sont intéressés à l’histoire du Royaume Kongo. C’est le cas de dire avec François Mauriac que « les héros de roman naissent du mariage que le romancier contracte avec la réalité ». J’ouvre mon roman. Il est composé de 12 tableaux ou épisodes pour ne pas parler de chapitres. Hormis le Prologue de 7 pages, l’Epilogue de 2 pages et demie, le Tableau 5 de 34 pages et le Tableau 9 de 37 pages (c’est le plus long), les 6 restants sont entre 29 et 20 pages, trois d’entre eux ayant exactement le même nombre de pages (24) ; le tableau 11 n’en ayant que 11. Il y a donc un équilibre dans la répartition des chapitres et la longueur me semble proportionnée à la matière traitée. Je m’arrêterai sur les chapitres ayant traits à ce qu’on peut appeler la « vie cachée » (3. Au bord de l’eau ; 4.la parole qui guérit ; 5. La case initiatique ; 6. Le rêve) et la « vie privée » de la prophétesse (8. L’amour, la séduction). D’un style suggestif, pittoresque, humoristique, dialogique, lyrique, pathétique et parfois satirique, bref romanesque (ce genre englobant tous les autres), le livre est agréable à lire ; il est instructif. L’auteur dédie l’ouvrage à celle qui partagera (et peut-être partage déjà) sa vie de « fou poète » ou « poète fou » (à elle de choisir) . Viennent ensuite ses remerciements adressés « particulièrement à Monsieur l’Abbé Ngimbi Nseka et au Frère Masumbuko Mununguri fms sans qui, c’est sûr, dit l’auteur, ce roman n’aurait pas vu le jour ». Il avoue aussi sa dette à un bon nombre de personnes, parmi les historiens, chroniqueurs, philosophes, théologiens, auteurs spirituels et chanteurs, etc), dont les textes ont nourri son inspiration. C’est pour lui avoir livré quelque documentation sur Kimpa Vita que Monsieur Mpembi (que je n’ai plus revu depuis lors) m’a embarqué dans son bateau imaginaire de Romancier. Je ne pouvais pas penser que mon acte posé en faveur d’un étudiant en médecine allait donner à un génie littéraire, de formation scientifique, l’occasion de créer, à partir des emprunts à d’autres textes, une œuvre aussi originale que Kimpa Vita, La Fille Ne Kongo. Sans encore lire le livre en détail, le simple parcours des douze tableaux ou épisodes qui le composent, y compris le Prologue et l’Epilogue, vous fait constater que chacun commence par un exergue dont le texte est tiré de la Bible (10) ou d’un auteur spirituel (2). C’est que, il me semble, non seulement Monsieur Mpembi s’est nourri de textes « profanes », mais il s’est aussi inspiré des textes sacrés. Ce qui l’habilite à apprécier avec compétence et à sa juste valeur l’ensemble du contexte socio-politique et religieux dans lequel se déroule la mission divine de sa héroïne et à oser des rapprochements de la vie de ses héros avec celle que les « meilleurs » chrétiens ont mené ailleurs, voire avec la vie même du Fondateur du christianisme . En effet, ne sommes-nous pas dans ce contexte de la rencontre ambiguë du christianisme avec la culture ou la civilisation kongo, en ce moment, en crise d’unité et d’identité ? Singulièrement, c’est pour avoir « annoncé» autrement que les Missionnaires le message chrétien de libération que sa famille avait accueilli et pour avoir dénoncé la « fausseté » de leur vie chrétienne, que Kimpa Vita sera condamnée à mort sur le bûcher comme une hérétique, une schismatique, selon les méthodes de l’Inquisition catholique de triste mémoire. C’est de l’histoire connue de ce Royaume Kongo devenu chrétien depuis 1491, à la suite du baptême de son roi et de ses dignitaires. Et malgré l’inadéquation structurée avérée dans les relations entre les deux cultures et l’ambigüité qui affecte la perception du christianisme par ceux qui l’ont accueilli, celui-ci n’a pas moins profondément imprégné la vie de certaines familles : celle où est née l’Héroïne du Roman de Monsieur Mpembi est une de celles-ci, comme celle du personnage évoqué dans le Prologue, qui ouvre les tableaux/chapitres du livre. En effet, Ndona Mafuta, de son nom de baptême Apollonia, est la première de la série des prophètes suscités dans le Royaume. La Mission que, dans sa vieillesse, elle reçoit de Marie et qu’elle assumera en toute responsabilité aura un tel succès – par rapport à la prédication des Missionnaires - qu’elle en sera brûlée vive, comme plus tard Kimpa Vita. Comme pour dire que dans ce Royaume Kongo « ce qui est cela sera ; ce qui s’est fait se refera, car il n’y a rien de nouveau sous le soleil », pour reprendre l’exergue de ce chapitre. Et entre les deux prophétesses se place un prophète – Fwala Kassola, « ngunza très puissant », enseignant mieux que les prêtres et guérissant toutes les maladies avec la Bible » (p.73), mais dont « le corps livré aux gypaètes et autres charognards n’eut pas de Sépultures comme tant d’autres prophètes… (p.84). Libre de toute contrainte de temps, le génie romanesque de Magloire Mpembi rapproche les deux exécutions à mort. Aussi commence-t-il l’épopée ou mieux la tragédie de Kimpa Vita par la fin de sa vie pour la terminer par le Procès qui la conduira à cette fin. Nous avons ainsi le tableau 2 : L’exécution et 10 : Le Procès, entre lesquels se placent 7 tableaux (ils ne sont pas ainsi numérotés par l’auteur) ou 7 épisodes du Roman consacrés à la vie et à l’œuvre de l’Héroïne. Pour celui qui veut apprendre quelque chose de neuf sur Kimpa Vita, la Fille Ne Kongo, ces chapitres consacrés à sa vie et sa mission sont des plus intéressants. Dans un Colloque où j’ai participé à Luanda en 1996, l’année de la 290e anniversaire de la mort de Kimpa Vita et fêtée comme une des personnalités marquantes de l’Histoire de l’Angola, la question sur les parents de notre héroïne était posée par plus d’intervenants, sans qu’on pût y donner une réponse valable. Aussi est -on satisfait du vif intérêt que Monsieur Mpembi y a porté. A lire ici les tableaux 3 (« Au bord de l’eau »), 4 (« La parole qui guérit ») et 5 (« La case initiatique »). Si leurs noms (le père : Sebastiao Yenge et la mère : Maria Kubuta) sont de création romanesque de l’auteur, comme le fait de les faire habiter dans le village de Kisantu ( p.41, 64) , les parents de Kimpa Vita étaient parmi les Ne Kongo dont la vie était imprégnée de foi chrétienne. De Maria Kubuta, le témoignage de vie nous vient d’un « prêtre de l’habit de Saint Pierre », comme aime écrire, dans son langage pittoresque, Monsieur Mpembi qui le rapporte, p.40. Et la foi chrétienne a donné à Don Sebastiao, le mari, la force et le courage de se débarrasser des femmes que sa famille lui avait contraint à épouser. « Fervent chrétien, écrit Mpembi, il avait promis de ne point vivre dans la boue infecte de l’adultère qu’on appelait sur ces terres, « polygamie » (p.41). Un diaire tenu par le prêtre Pantaleao (non fictif ?) en date de 4 juillet 1682 nous en donne le témoignage suivant : « …Leur piété…..Amen » (p.55). A quoi il faut ajouter que l’enfant, baptisée sous le nom de Béatrice fut consacrée à Saint Antoine. Les historiens seront d’accord avec le Romancier pour soutenir que les parents de Kimpa Vita - « d’une foi exceptionnelle » – avaient décidé à offrir à leur fille unique « l’éducation chrétienne la plus parfaite ». Ce qu’on sait est que Dona Béatrice – comme d’autres enfants - « apprenait par cœur et récitait en les intériorisant toutes les « classiques » prières chrétiennes : le Notre Père, l’Ave Maria et le Salve Regina. On ne quittera pas le climat d’une foi chrétienne vécue et vivante des parents et des gens de l’entourage de Kimpa Vita en revenant au tableau 4 – selon ma numérotation – portant sur « La parole qui guérit ». Il s’agit de la guérison par le prophète François Kassola de Maria Kubuta, la mère de Kimpa Vita, frappée, dès l’accouchement de l’enfant, d’une infirmité qui la retenait à avoir des relations sexuelles avec son mari. .. Don Sebastiao s’étonne des propos de sa femme qui l’invite à aller prier avec ce Ngunza qu’elle venait de rencontrer auparavant au retour du marché: « Nous sommes chrétiens, et en tant que tels, tu sais bien que n’allons ni chez les féticheurs ni chez les voyants. Qu’es-tu donc en train de me demander là ? Me demandes-tu de renier ma foi ? » (p.79)… Et la prédication de Kassola que le couple a fini par aller voir n’est pas moins le fruit d’une foi chrétienne accueillie dans la simplicité du cœur et qui exigeait d’être « inculturée » pour être davantage « crédible». Il faut lire l’appréciation que le Romancier prête à Don Sebastiao Yenge de la prédication du Ngunza Kassola (p.81). « La case initiatique », 5e tableau qui relate la vie initiatique, fait partie du programme de l’éducation complète de notre Héroïne. Cette fois on est à l’école de la tradition ancestrale. On connaît les finalités de l’initiation dans nos sociétés : c’est, avant tout, une « école » qui prend en charge l’instruction et l’éducation des enfants ou des adultes qui lui sont soumis afin de faciliter leur entrée dans l’âge adulte…. Dans le souci d’une formation complète de sa personnalité, les parents de Kimpa Vita ont tenu à envoyer leur fille à cette école d’initiation kongo qui s’appelait : Kikumbi où elle devait apprendre à assumer son rôle dans la société, tel que sa propre mère, la mère de sa mère et toutes les autres aïeules l’avaient appris depuis l’établissement de la royauté Kongo. Magloire Mpembi Nkosi a raison de rappeler à son lecteur cette phase de la formation de la Fille Ne Kong, en relevant le fait qu’au cours de cette formation, Kimpa Vita avait été initiée au culte des prêtresses Marinda par Ma Ndona qui en était la grande prêtresse (p.132), car elle en avait, selon la perception de celle-ci, les qualités pour la continuation de cette société secrète. Plus tard, la prophétesse s’expliquera avec assurance sur son identité, en exhibant ses deux qualités de « chrétienne » et d’initiée», parfaitement compatibles. C’est le mérite de Monsieur MPEMBI d’avoir relevé l’importance de cette éducation initiatique traditionnelle qui prépare les jeunes aux responsabilités futures. Elle aurait manqué à Kimpa Vita, on n’aurait pas cette Fille Ne Kongo qui eut la mission divine de prophétesse pour son peuple, ruiné, divisé, soumis à l’esclavage. En effet, selon le récit que nous lisons dans le tableau 5 sur Le rêve, quand durant une agonie, Saint Antoine de Padoue vint lui demander d’utiliser son corps et son âme pour parfaire l’évangélisation des Ne Kongo, Béatrice accepta, parce que cette mission correspondait à sa fonction de grande prêtresse du culte de Marinda, celle de « promouvoir en toute circonstance le bien-être intégral de son peuple ». Elle voulait un signe, il était venu, elle ne se déroberait plus, elle affronterait son destin. Elle apprendrait à son peuple à faire la volonté réelle de Dieu. Elle apprendrait à son peuple à se rapprocher de Dieu, après ses égarements occasionnés par le mesquinerie » (p.143-140). On en arrive ainsi à la mission de la prophétesse que Kimpa Vita va exercer dans les conditions que l’on sait et qui aboutit à la création de ce qu’on appellera la « secte des Antoniens », « secte diabolique et fétichiste de la fausse Antoine » selon les Missionnaires capucins qui inventeront tous les motifs imaginables pour condamner, faire brûler vive sa fondatrice. C’est l’histoire connue que Mpembi reprendra avec bonheur dans son style romanesque. On lira avec plaisir les chapitres sur le complot (9) ; le procès (10) et l’exécution (2). On peut parler de la « Passion de Dona Béatrice Kimpa Vita selon Mpembi Nkosi ». Je termine ma lecture à moi avec le tableau/chapitre 8 sur L’amour, la séduction. La lecture de ce chapitre nous éclaire de la façon la plus plausible sur le mystère qu’on fait planer sur l’enfant né de la Prophétesse et sur sa paternité, que celle-ci, interrogée, attribue à Dieu lui-même. Les questions concernant les raisons de la condamnation de ces deux êtres chers à Béatrice Kimpa Vita ne trouveront réponse que dans la logique cruelle de l’Inquisition que par vengeance les Missionnaires capucins ont appliquée à celle qu’ils qualifiaient de « prêtresse fétichiste ». Heureusement que l’Eglise est à réformer : « Ecclesia semper reformanda ». D’ailleurs tous les Missionnaires d’alors – tels les Jésuites- n’avaient pas approuvé ces méthodes d’Inquisition. En effet, selon une lettre du Préfet Da Pavia datée du lundi 5 juillet 1704… « Tous les religieux de la ville étaient présents excepté les Jésuites fidèles à leurs traditions laxistes. Ils ont vu d’un mauvais œil l’exécution de la sentence » (p.36). Cette divergence d’attitudes des Missionnaires peut faire comprendre la revendication par la postérité de la réhabilitation, voire de la béatification de la Saint –Antoine mukongo. C’est le contenu essentiel de l’Epilogue du Roman Kimpa Vita, La fille de Ne Kongo de Mpembi Nkosi que je viens de lire pour vous à ma manière. Je remercie l’auteur pour la confiance qu’il m’a faite en m’invitant à ce service. Merci à vous tous ici présents pour votre attention soutenue à m’écouter.

 

Kinshasa, le 16 avril 2013.

Hippolyte NGIMBI NSEKA

Professeur émérite Recteur Honoraire

Curé-doyen Paroisse Notre-Dame des Sept Douleurs de Kisantu

B.P. 25 INKISI/Kisantu Bas-Congo (RDC)



18/04/2013
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