Chronikin

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L’inaccessible passeport congolais…

L’inaccessible passeport congolais…


Par Magloire Mpembi Nkosi[1]

 

Je partage ici la réflexion que m’a inspirée la manifestation du 5 mars 2010 devant l’Ambassade du Congo à Paris.

 

Photo Roger Bongos (http://www.afriqueredaction.com/album-1585893.html)

 

Le vendredi 5 mars 2010 dernier, les Congolais de Paris ont manifesté devant l’ambassade de la RD Congo à Paris pour réclamer le droit de continuer à utiliser leurs passeports jusqu’à expiration.

Pour mémoire, depuis le début de l’année, la RD Congo a mis en circulation un nouveau passeport dit « biométrique »[2] rendant ipso facto caduque les anciens passeports qui avaient cours jusqu’alors.

Cette décision, dont la justification serait la mise à niveau des documents officiels congolais aux normes internationales[3]a eu des conséquences fâcheuses pour bon nombre des congolais : impossibilité de voyager, impossibilité de renouveler les cartes de séjours, perte d’emploi voire décès. Branly Nsingi qui était en vacances en Côte d’Ivoire, malade, s’est vu refuser l’autorisation de prendre place à bord de l’avion qui aurait dû le ramener à Paris. Il est décédé faute de soins adéquats.

La mort de ce jeune homme de 21 ans[4] a provoqué l’effroi au sein de la communauté congolaise de la diaspora. C’est ainsi qu’une manifestation devant l’ambassade du Congo en France, pays où résidait le défunt a été projetée afin de demander aux autorités congolaises de surseoir l’application de cette mesure dont l’urgence est toute relative et de permettre à ce que les détenteurs des anciens passeports puissent les utiliser jusqu’à expiration.

Nicolas Lisiki, compatriote congolais de France a été à l’avant-plan de la mobilisation de la Communauté congolaise de la diaspora. Sur sa page Facebook le débat a été houleux jusqu’à mettre en exergue les divisions et les récupérations politiques[5]. Avec une certaine élégance, Mr Mova Sakani, Ambassadeur du Congo pour le Benelux n’a pas manque d’y mettre son grain de sel. En conséquence, la manifestation a eu lieu mais avec « seulement » 950 personnes ou 1800 personnes selon que les statistiques émanaient de la Police ou des organisateurs de 14h00 à 17h45[6].

Que faut-il en retenir

Le regret

Il est dommage de constater que très peu de congolais de la diaspora se soient engagés dans cette démarche en raison des divisions et de leur incapacité à se départir des lignes de fracture artificielle. Les dommages causés par ce changement impromptus sont les mêmes aussi bien pour les « Frères en Christ » que pour les « païens », pour les sympathisants de l’UDPS de l’APARECO ou du PPRD, pour ceux de la société civile mais aussi pour les chercheurs et étudiants en Europe, qui ne peuvent pas prendre part à des congrès ou autres colloques en dehors de l’Union européenne. Il s’agissait là d’une cause qui aurait pu réunir TOUS les Congolais. Dommage que ce ne fut pas le cas.

L’intransigeance de Kinshasa

L’intransigeance du Gouvernement de Kinshasa, sauf erreur de ma part est inacceptable. Pourquoi faut-il un changement aussi brutal ? Quel est l’impératif qui n’accepte pas le moindre délai ? On se souviendra qu’au début de la législature actuelle, l’Assemblée nationale alors présidée par Vital Khamere a émis un moratoire concernant les personnalités politiques disposant des nationalités autres que Congolaises[7]. Une solution similaire aurait pu être envisagée. Entre la pleine utilisation des anciens passeports jusqu’à expiration réclamée par la Diaspora et la caducité pure et simple décrétée hinc et nunc par les Autorités de Kinshasa, la voie de la sagesse n’aurait-elle pas été un moratoire d’une année ? Elle aurait ainsi permis tranquillement aux uns et aux autres de se préparer à ce changement probablement inéluctable. Actuellement, il faut au minimum 3 mois d’attente pour en obtenir un à un prix élevé.

Vu que ce nouveau passeport n’est pas biométrique, contrairement à la propagande du Gouvernement, nous ne serions pas étonnés que d’ici quelques mois on décrétât une autre campagne de changement de passeport pour le « vrai » biométrique cette fois-ci.

Ironie du sort, le lendemain de la manifestation de Paris, les Kurdes de l’Europe sont venus manifester à Bruxelles contre une série d’arrestation dans les milieux du PKK en Belgique. Ils n’ont eu que deux jours pour se mobiliser. Ils étaient pourtant plus de 5000 dans les rues de Bruxelles le samedi 6 mars 2010[8]. Une vraie leçon pour les Congolais, toujours plus prompts à discutailler qu’à agir.  



[1] Magloire Mpembi Nkosi originaire du Congo Kinshasa. Il est l’auteur de Cri de femme(Editions Le Manuscrit, Paris 2008) et de Au gré des vies perdues (Autoédition, Bruxelles 2009).

[2] En réalité celui-ci n’a de biométrique que le nom mais il s’agit là d’un autre débat.

[3] Beaucoup de congolais n’y voient qu’une opération de

[7] Il faut noter que selon la Loi congolaise, la détention d’une autre nationalité entraîne automatiquement la perte de la nationalité congolaise. Ainsi en prenant l’option de ce moratoire, l’Assemblée Nationale Congolaise a admis que des étrangers siègent et travaillent en tout impunité au sein des institutions aussi importantes. Cela n’a évidemment pas choqué outre mesure. L’actuel imbroglio sur le passeport va finir de convaincre certains de chercher une autre nationalité, la Congolaise demeurant synonymes de désagréments. Puisque cela n’empêchera en aucun cas de travailler pour le pays mais à de haut postes de responsabilité, pourquoi pas ?.



08/03/2010
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