Chronikin

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Sexe et racolage à Kinshasa...

Sexe et racolage à Kinshasa…

Kinshasa: le prochain paradis du tourisme sexuel?



Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que Kinshasa deviendrait la prochaine destination prisées par les touristes sexuels après avoir lu le livre de Marie-Louise Mumbu, Samantha à Kinshasa, et après une visite du website www.congomikili.com.

Je voudrais ici présenter aussi bien l'essentiel du contenu du livre et du site web ainsi que le sentiment qu'ils m'ont inspiré.

 

Samantha à Kinshasa

L'auteur

 

A en croire la quatrième page de couverture, l’auteur Marie-Louise Mumbu  (Bibish) est née en 1975 à Bukavu. Journaliste diplômée de l’ISTI/Kinshasa, elle peut se targuer d’une certaine expérience dans la production culturelle à travers le monde et des participations à des ateliers d’écriture. Ce livre est apparemment sa première publication et est dans une certaine mesure un succès. On apprend également que jusqu’à l’été 2003 elle administrait les studios Kabako. Nous y reviendrons.plus loin.

Sur Afriblog, on peut lire des textes poétiques de Marie Louise Mumbu sur Kinshasa au jour le jour (http://www.afriblog.com/index.asp?mportail=fperso&no_pers=133). 

L'oeuvre

 

   

    Samantha à Kinshasa est un roman écrit à la personne. Samantha l’héroïne est comme l’auteur journaliste à Kinshasa. Elle y raconte cette ville dans laquelle elle vit au jour le jour. Le talent de l’auteur est indéniable dans le style et la manière dont sont exposées les situations parfois cocasses. On parcourt Kinshasa avec la narratrice. Le récit est dans une certaine mesure plutôt réaliste.

Le roman s’ouvre sur les pensées de Samantha assise sur « le siège 19a  de l’airbus A330 d’Air France ».  C’est la kinoise qui a réussi à voyager, à partir. C’est le rêve aujourd’hui des jeunes qui n’en peuvent plus de ce pays qui ne se sort pas de sa misère. Mais assez vite et au fur et à mesure que l’on s’avance dans la lecture, on est pris d’un certain malaise : on a l’impression que l’auteur qui parle des kinois ne s’adresse pas en fait aux kinois mais bien plus aux Occidentaux. On a alors du mal à la suivre dans cette démarche qui me semble malsaine. On a l’impression et j’espère que je me trompe que ce livre est écrit pour vendre à l’étranger « la légèreté des cuisses des kinoises». Ceci nous parait difficile à accepter d’une femme dont la culture est pourtant immense. L’auteur propose en début d’ouvrage un « lexique à l’usage des néophytes ». La première entrée est « 3615 : terrasse-boîte de nuit située sur le boulevard du 30 juin dans le centre-ville kinois, repère desfilles de la nuit. (page 7)

L’utilisation de certaines expressions conforte dans cette idée. On peut par exemple y lire « je ne réserverai pas de coin perso dans son kot » (page 27). Combien y a-t-il des kinois pour qui cette expression évoque quoi que ce soit ? Le terme kot faisant partie de ces belgicismes hérités du néerlandais qui désigne les logements pour étudiants ou les débarras.

L’héroïne est journaliste comme l’auteur. On apprend pêle-mêle qu’elle couche assez souvent, serait bisexuelle et prête à tout pour voyager. La tentation - à laquelle nous ne cédons pas - de voir en Samantha Marie-Louise est grande et est (in)volontairement insinuée par l’auteur. Elle décrit le milieu de la presse féminine de manière peu reluisante.

La photo de couverture montrant des jeunes enfants pré-pubères semble suggérer le récit de la quête de survie de la jeune kinoise. Il n’en est rien. Il s’agit de décrire avec une certaine délectation que tout le monde couche avec tout le monde pour de l’argent, de quoi exciter le premier pervers venu qui tombe sur l’ouvrage dans les librairies de Bruxelles ou de Paris où, je peux en témoigner le livre est bien diffusé.

Je me donne la peine de reproduire des passages de ce livre qui donnent un aperçu du contenu.

 

Page 36

« Mapendo a vingt-trois ans. Dans deux ans, elle devient une « Sainte-Catherine », en tout cas elle le coiffe bientôt ! C’est pourquoi il lui faut très vite un mari. Tous les moyens sont bons. Et puis, elle sait qu’elle a ce que d’autres n’ont pas : des arguments essentiels, comme disent les professeurs d’université qu’elle n’a pas fréquentés ! Des arguments essentiels : un beau cul bien cambré, deux seins pamplemousse (…)lors d’une conversation elle écoute les gens ».

Page 42

« Parce que sa femme, c’est toute une femme ! Elle a un bac +6 en communication, première de sa promotion. C’est une reine, sa femme. Et elle le pipe comme une vraie salope, sa reine.

Le portrait de Samantha est tracé dans les phrases qui suivent.

Page 44

« Sam, une journaliste d’ici qui a la côte. Elle se fait tripoter par l’homme de sa sœur, c’est un secret de polichinelle, puisque toute la ville en parle. Mais il parait qu’elle est, en même temps, une lesbienne pure et dure. »

Page 49

« Sam est une bombe anatomique avec tout ce qui va avec. Elancée, le physique irrespectueux des Africaines, buste généreux, bouche en cœur et le derrière bien fourni avec en plus des jambes bien fuselées. Sam est assez fière de ses armes de destruction massive… Elle vit une histoire de cul comme ça ne se fait pas avec le mari de sa sœur. »

Ces quelques extraits du livre arbitrairement choisis traduisent assez le ton général du roman de Mme Mumbu. Je n’en ajouterai pas d’autres qui seraient superflus. J’invite volontiers le lecteur à se faire son idée en le lisant, quoique, de mon point de vue, je ne le recommandasse pas aux élèves comme cela a été fait à Kinshasa où l’auteur a été invitée à dialoguer avec ceux-ci dans une grande école pour filles de Kinshasa. Notons que le livre est coédité par Le Cri  (Bruxelles) et Afrique Editions(Kinshasa). Cette dernière serait spécialisée dans le livre éducatif. J’ai toujours du mal à trouver le contenu éducatif de Samantha à Kinshasa.

Page 160

Chaque jour, Dunia se retrouve au septième ciel dans le studio de son chic-choc, prend son pied, oublie de se nourrir, invente un nouveau truc, se fait belle pour une seule paire d’yeux, oublie ses obligations vis-à-vis du chèque, le « papa friqué » qui paie le loyer de sa maman.

www.congomikili.com

 

Les auteurs

 

« Congomikili.com est une initiative de Nick andersson ex correspondant de CNN , et quelques jeunes congolais situer au Canada ,Etats unis , en belgique , londres,et en Suede, un projet qui va bouleverser les media congolais par la nouvelle technologie du web 2.0. »

Voilà ce qu’on peut lire sous la rubrique « Qui sommes-nous » du site http://www.congomikili.com.  Vous aurez remarqué que le nom de l’initiateur est écrit avec une faute d’orthographe  en passant. C’est l’une des faiblesses du site, ce n’est pas la seule. Un rapide recherche sur le web ne m’a pas permis de mieux connaître Nick andersson. Je ne sais pas en dire plus.

Le site

 

Le site a été lancé récemment et connait un certain succès. Il semble que ce soit l’actualité culturelle qui est privilégiée. Sur la page d’accueil, on trouve les vidéos des concerts donnés à Kinshasa durant la dernière édition de la Foire Internationale de Kinshasa. La capture d’écran ici publiée a été prise le dimanche 13 septembre 2009 autour de 16h30. Les autres rubriques du site sont : événements, musique, théâtres, églises, commerce, communautés, modes, ceux qui ont réussi, amours. L’équipe du site donne une large place à la musique et aux musiciens. Il n’est pas si informatif que cela malgré ce que les slogans annoncent. Ils ne bouleversent pas l’univers des medias congolais. J’ai plutôt l’impression qu’ils en amplifient les travers. Les propos sont suffisamment vulgaires. Le traitement de l’information relève plus du bricolage que d’une approche professionnelle. J’ai visité la page « ceux qui ont réussi » fait la pub d’une maison d’habillement, d’un salon de coiffure initiée par une musicienne chrétienne. Elle présente son business avec des propos surréalistes. Soit qu’elle délire à fond, soit elle nous prend pour de gros imbéciles. Elle promet « coiffure et miracles. » Les mains de Sœur Misamu  sont bénies et béniront tous les cheveux qu’elles toucheront. Peut-on faire mieux en termes de pub ? C’est sûr qu’elle aura beaucoup de succès. A cette occasion, les musiciens du monde et ceux de Dieu se sont réconciliés. Mais attention ! Les services de Sœur Misamu sont bien payants.

Les nouveaux canaux: les putes BCBG

La rubrique « amour » du site est affligeante et donne la part belle à ce qui ressemble à une forme de prostitution bon chic bon genre. Des filles apparemment comme tout le monde, étudiante pour certaines, se présentent à visage découvert, indiquant leurs numeros de téléphone, criant leur envie d’hommes, pas n’importe lesquels mais bien ceux qui vivent en Europe. Les discours sont triviaux, à la limite de l’obscénité et reflètent le niveau de déstructuration de  la personnalité de certaines Kinoise en particulier. L’Europe c’est l’el dorado pour Béatrice Nyembo Kitenge, Christelle Mangala, Fannie Nzanzala,  Clarisse Ilunga etc…La « pauvreté anthropologique » de ces jeunes filles et probablement de ceux qui les interviewent est navrante. «Poru l’une d’entre elles, « soki mubali afandi na poto akomi na ba mentalités ya mindele » (quand un homme a habité en Europe il prend la mentalité des blancs). Congomikili.com se transforme en agence matrimoniale. Les filles de l’Institut Supérieur des Techniques Médicales de Kinshasa y sont particulièrement présentes.

Au bout de la visite on est pris de nausée. C’est le travers du web. On peut tout y trouver. Si CongoMikili.com permet de rester « branché » sur Kinshasa, il ne véhicule certainement pas les valeurs. Ce n’est pas ce site qui peut rendre leur fierté aux Kinois.

 

Conclusion

Des choses ont été relevées surtout du point de vue forme. Tel orthographe ne concorde pas, telle date, tel évènement. Il faut dire que je n’ai cessé d’expliquer à chacun qu’un livre est souvent subjectif, que j’ai écrit « Samantha à Kinshasa » par rapport à moi, mes vues, certaines évidences, mes coups de cœur ou de gueule, et pas ceux des autres. C’est dire combien j’y ai déliré peut-être avec mon regard de femme, mariée récemment, la trentaine, pas encore d’enfants, baignant dans un milieu d’hommes, vivant en cité, entourée d’amis géniaux, dans un pays bof, un cadre bof, des ressources énormes… Voilà, tout ça a joué !

J’ai surtout eu les réactions des puritains un peu « hypo » face à mes mots, pas beaucoup heureusement, j’ai eu plein de réactions des jeunes face à celles des plus âgés, j’ai fait un atelier d’écriture à mon lycée, Motema Mpiko, alors… J’ai la réaction d’un « vrai » kinois de naissance face à des kinois d’adoption venus soit de l’intérieur ou de l’extérieur, etc., mais vraiment que du détail…

On a maintes fois essayé de m’embarquer dans des considérations creuses, je n’ai pas suivi. Pour certains par exemple, je fais l’apologie des antivaleurs kinoises, pour d’autres je ne raconte que du mal alors qu’il n’y a pas que ça, pour d’autres encore, je ne raconte que des histoires de fesses… A ça j’ai répondu qu’il n’y a dans cet ouvrage aucune leçon de morale, il y a des faits racontés, après on en fait ce qu’on veut. Des faits que pour moi, écrivaine, il est important de relater, question de laisser des traces, pour les générations futures ou juste pour mes enfants et mes neveux, tiens ! Après si les gens préfèrent ne voir que ce qu’ils veulent, où est mon problème ? Parce qu’il y a dans le livre des clins d’œil sur les enfants soldats et les enfants de la rue, sur les coupures d’électricité, sur les embouteillages, sur l’exil – Nkunda, sur la politique, les parlementaires debout, les fonctionnaires de l’état, les églises de réveil, sur plein de choses, dites avec humour et dérision, alors si personne n’a vu ça et n’a vu que les histoires de fesses, franchement… Et puis pour ça, y a qu’à regarder toutes les publicités de bière, cigarette, voiture, bouffe ou cosmétiques qui exposent de la viande féminine à la télévision à longueur de journée pour s’offusquer vraiment au lieu de faire des hypocrites sur un mode de vie connu que personne ne veut nommer ! Moi j’ai envie d’oublier que certains nous appellent ironiquement BMW = Beer, Music, Women… Suivez mon regard !

Mais comme j’ai déjà dit, ce ne sont que des détails qu’on a vite passé pour vraiment décortiquer cet ouvrage… Des fois je reçois des coups de fil de mes potes qui me disent que je suis folle, ou d’autres qu’ils ont ralenti exprès leur lecture question de ne pas vite finir le livre, ils ne veulent pas… 

Ces propos de Marie Louise Mumbu sont sa réponse aux réactions des lecteurs sur les histoires de fesse contenues dans son roman. Je fais peut-être partie de ces hypo qui s’offusquent. Je fais partie de ceux qui ne comprennent pas que le corps de la femme soit utilisé pour vendre de la bière. Je suis simplement surpris de voir une Ecrivaine exposer  de la viande féminine pour parler de Kinshasa. Il ne s’agit certainement pas des détails, de mon point de vue.

Quand on a lu Samantha à Kinshasa et visité congomikili.com, on sait où aller prendre son pied durant les prochaines vacances.

 



13/09/2009
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