Chronikin

Chronikin

QUELLE POLITIQUE DE POUR LA FOLIE ? LE SUSPENSE DE FREUD

QUELLE POLITIQUE DE POUR LA FOLIE ?

LE SUSPENSE DE FREUD

 (Guy DANA, Stock ,2010,300p)


« C’est un nouvel espace d’hospitalité à la folie que ce livre tente de penser à partir de ce que l’auteur, psychiatre et psychanalyste, a pu créer au sein même de l’hôpital qu’il dirige et dans les cures auprès des malades. L’idée tenace de ce livre est qu’une politique qui s’installe au cœur de la ville peut permettre de contourner la menace qui pèse actuellement sur la psychiatrie : déshumanisation, exigence de rendement et instrumentalisation de nos peurs. 

Cette question s’adresse, au-delà des praticiens, à la société tout entière et au monde politique, car la responsabilité des psychanalystes reste déterminante à condition de ne pas renoncer à faire preuve d’une solidarité indispensable ni d’abandonner cet espace de la cure qui est le leur.

Ainsi peuvent-ils susciter des orientations dans le soin des malades en évitant la prise systématique de médicaments ou l’isolement des aliénés trop souvent proposé, en incluant une dimension anthropologique dans les politiques proposées.

La psychanalyse est aujourd’hui plus que jamais un antidote qui permet de résister mais aussi de proposer et d’initier de façon rigoureuse une autre approche de la folie et de la souffrance humaine. Malgré, ou avec, un certain suspense ».(Quatrième de couverture) 

Le livre de Guy Dana a le mérite de rappeler la relation complexe qui peut s’établir entre le patient psychotique et le système des soins. L’organisation de ce dernier requiert tout à la fois de la flexibilité et de la rigueur. La première est indispensable à l’adaptabilité aux situations cliniques singulières et complexes et la seconde est nécessaire pour éviter lui éviter de se positionner en miroir par rapport au vécu psychotique du patient.

Le livre est divisé en deux grandes parties qui sont en fait dans l’ordre inverse le titre et le sous-titre :

  1. Le suspense de Freud
  2. Quelle politique pour la Folie ?

Guy Dana, psychiatre et psychanalyste lacanien, présente quelques idées qui méritent le détour surtout en cette période où les techniques psychanalytiques sont secouées sur leurs fondements.[1]

« Quelles que soient les modalités de son exercice, la pratique analytique chercher à lever les obstacles, à susciter une autre façon de penser et à faciliter, comme le dit Freud, les décisions » (p17). La psychanalyse vise donc à augmenter l’aire du décidable même si « les patients psychosés se prêtent mal à l’association libre et à l’inattendu » (p24). La thèse de l’auteur est que la pratique psychanalytique « conduit à un accueil sensiblement modifié de l’inattendu, moins défensif, ce dont témoigne la position de Freud sur le hasard auquel il se consentait sans états d’âme » (p33)


 

Si l’on reste peu édifié sur l’intérêt opérationnel de la psychanalyse dans la prise en charge des psychoses, il n’en reste pas moins que tout le long de cet ouvrage, l’auteur discute non sans intérêt les conditions de la pratique psychiatrique actuelle eût égard aux évolutions sociétales en Europe.

« Sans limites, la vie ne serait pas possible, la vie ne serait pas possible et cela touche aussi bien à la vie organique qu’à la vie psychique. L’homme a besoin des frontières, qu’il se cherche ou auxquelles il est contraint » (p80). Si le thérapeute a pleinement conscience de ceci, il n’est pas certain que ce soit le cas du patient psychotique, aussi Guy Dana pose-t-il la question, quelques pages plus loin, de savoir  si [le] « travail » devrait « d’emblée » être appelé « thérapeutique ».

Une chose est sûre : « la psychanalyse, dans ses effets, n’est pas prédictible » (p89), « les réactions morbides peuvent ne pas disparaitre ou encore réapparaître » (p101)[2].  

Tout le long de ces 300 pages, l’auteur a voulu mettre en valeur le rôle que la psychanalyse peut jouer dans la prise en charge des patients psychotiques. On se rend finalement compte que ce rôle n’est pas très étendu tant la thérapie est en grande partie basée sur la gestion de l’espace (politique) qui par définition chez le psychotique est infini.

Magloire Mpembi Nkosi



[1] Michel Onfray, Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne, Grasset, Paris, 2010.

[2] Citant Sigmund Freud, le Moi et le Ca, p294.

 

 



11/08/2010
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 62 autres membres