Chronikin

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Lire « Ils m’ont violée. Une femme au Kivu » de Masumbuko Mununguri

Lire « Ils m’ont violée. Une femme au Kivu » de Masumbuko Mununguri

Ils ont beau crier le nombre des victimes, 6, 7, 8 millions, personne ne le sait. Ils ont beau évoquer le calvaire des femmes, devenues à la fois enjeux et champs de cette guerre de basse intensité dans laquelle le Congo est plongé depuis près de 20 ans. Ils ont beau appeler au secours pour que cesse cette guerre de prédation, condensé extrême de la violence capitaliste coloniale en expansion infinie, de plus en plus vorace et éhonté, sans foi ni loi, ni retenue. Rien n’arrête le temps, rien n’arrête la mort, rien n’arrête la pieuvre à multiples bras pour qui la vie humaine ne vaut rien, surtout quand elle est lointaine et pigmentée.


 

Tirer de cette souffrance extrême, de ces atrocités inouïes, de ce spectacle macabre une œuvre littéraire n’est en soi ni un objectif, ni un prestige, ni un simple exercice esthétique encore moins un motif de fierté. L’auteur comme l’éditeur auraient certainement préféré  commettre un essai philosophique sur l’universalité du bonheur ou sur les voies du progrès social. Ils auraient été heureux de disserter sur le beau, le bien est le vrai à venir. Non, ce livre-là ne verra pas le jour ! Ce livre-là n’a pas sa place dans cette société marquée par tant de violence. A celle-ci, l’auteur répond par la virulence des mots, dérisoires supports de la relation d’une histoire dont la violence ne rivalise pas avec celle des faits relatés. De cette histoire tragique clôturant et inaugurant  l’un après l‘autre deux siècles, on retient l’image d’un géant mis à genoux par un « petit » voisin, présenté comme vertueux par les Maîtres du monde dont on connait pourtant l’attachement aux vices. De temps en temps ils mettent les projecteurs sur l’héroïsme du pauvre. Il prend le visage d’un médecin si bon et dévoué à la couture  de ces femmes, il les répare, comme on répare un vieil habit déchiré. Il prend aussi le visage d’une jeune fille que l’on sort de la rue. Applaudis par eux, reçus par leurs médias, ils sont supposés être du baume à nos cœurs meurtris, ils ne sont que du plâtre sur une jambe de bois.

C’est dans ce contexte que nous avons accompagné le livre du Frère Masumbuko. Espérant sincèrement que ceux qui sont si loin des territoires de l’est prennent  la mesure de cette tragédie pour la première fois racontée par un fils du pays.

J’ai rencontré l’auteur il y a bientôt 25 ans au hasard de mon cheminement scolaire. Nous avons eu l’occasion de discuter souvent, passionnément, et d’échanger sur le passé, le présent et le futur de notre pays. Avec lui j’ai beaucoup appris. J’espère que le lecteur de ce roman intitulé « Ils m’ont violé. Une femme au Kivu » en apprendra un peu plus également. J’espère pour ce livre un succès franc, et pour toutes ces femmes la fin de calvaire qui n’a que trop duré.

Magloire Mpembi

Coordinateur des Editions Imhotep

Québecle 22 janvier 2014



23/01/2014
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